vendredi 13 août 2010

Saint-Pol-Roux, un banquet, une photo : jouons un peu en attendant la rentrée...

Ah, la belle tradition des banquets littéraires ! On sait que Saint-Pol-Roux participa moultes fois à ces déjeuners et dîners qui réunissaient bien du beau monde. Et bien le voici attablé de nouveau. Il est au centre, à la table du fond, et semble présider. Mais qui sont ceux qui l'entourent ? J'en ai identifié quelques-uns. A vous de jouer et, même, de combler mes lacunes.

Un cadeau magnifique espère celle ou celui qui aura identifié le plus de convives. A vos commentaires, donc !

samedi 7 août 2010

Le Tombeau de Jean Cras

Elles sont rares les plaquettes que Saint-Pol-Roux fit éditer, à ses frais souvent, par l'imprimerie de la Dépêche de Brest. Aussi suis-je bien heureux de posséder celle-ci, et d'autant plus heureux qu'elle me fut offerte par un homme que j'estime grandement et qui est mon ami. Le Breton Jean Cras, dont il fut prestement question dans un précédent billet, où l'on rappelait, grâce à Pierre Saunier, sa parenté avec Victor Segalen, partageait avec ce dernier une singulière bivalence : il était officier de marine et pianiste. Comment Saint-Pol-Roux et le compositeur se rencontrèrent, il est bien difficile de le dire. Sans doute est-il possible d'avancer qu'ils se seront croisés, entendus, appréciés à Brest, lors d'une audition dans la salle des concerts Sangra. Mais, à défaut d'avoir retrouvé les lettres qu'ils n'auront pas manqué de s'échanger ou tout autre indice permettant de préciser leurs relations, nous devrons nous contenter de cette hypothèse. Toujours est-il que l'estime du poète pour le pianiste avait dû être grande pour qu'à la mort du marin-musicien, le 14 septembre 1932, il lui dédiât un beau sonnet, et qu'il en fît tirer cette plaquette cartonnée de 4 pages.
LE TOMBEAU DE JEAN CRAS
Autrefois couronné des diamants de l'Onde
Emanant de la terre ainsi que de la mer,
Désormais je m'inspire au rythme épars du monde
Echangé par les globes jonglés parmi l'air.

Musique universelle, ô majesté profonde
Aux symboles d'esprit dont le son est la chair,
Dans l'océan du temps j'infinise la sonde
Et surgit le trésor qui n'a plus rien d'amer.

La lyre et le navire eurent un même phare
A guider l'imprévu de leur élan jumeau,
Le pilote et l'aède enfin rois du rameau.

Voici la gloire en l'or humain de sa fanfare
Où chantent les étoiles de nos deux exploits,
Mais les orgues de Dieu s'éveillent sous nos doigts.
Nota : Si quelque visiteur voulait nous mettre sur la piste de la correspondance échangée entre Jean Cras et Saint-Pol-Roux, nous lui en serions fort reconnaissant.

jeudi 5 août 2010

Retour sur l'hommage de Camaret-sur-Mer à Saint-Pol-Roux

La municipalité, entraînée par le dynamisme de David Pliquet, et les associations culturelles de Camaret (les Amis du Quartier de Saint Thomas, Nautisme Arts Culture) avaient bien préparé l’événement. Les trois jours d’hommage à Saint-Pol-Roux, qui adopta le petit port finistérien en 1905 pour ne plus le quitter, furent denses, généreux et festifs. Le prétexte de cette célébration, le 70e anniversaire de la mort du poète, eût pu solenniser excessivement l’atmosphère, mais, si quelques-unes des manifestations ne manquèrent pas d’émouvoir, c’est la vitalité de l’œuvre magnifique qui occupa surtout la scène.

Vendredi 30 juillet


A dix heures, eut lieu l’opportune assemblée générale de la « Société des Amis de Saint-Pol-Roux ». Le Café de la Marine, l’ex-Hôtel de la Marine, de Rosalie Dorso, hospitalière aux artistes et écrivains en villégiature, initialement choisi pour accueillir la réunion, étant fermé, les quatre membres, qui avaient fait le déplacement, optèrent pour le bistrot voisin. On pouvait donc voir, autour d’un café et discutant de l’avenir de l’association, MM. Jean-Louis Debauve, Alistair Whyte, Marcel Burel & Mikaël Lugan. Le temps viendra plus tard, pour les adhérents, du compte rendu de cette restreinte mais conviviale AG. Aussi, éloignons-nous du quai Gustave Toudouze et engageons-nous sur la place Saint Thomas qui accueillit, à 14h30, la première des conférences programmées. Marie-Françoise Bonneau, guide et historienne, retraça la vie de Saint-Pol-Roux devant un public nombreux, relativement, et curieux. L’échange, qui suivit, fut nourri et intéressant. Le Club des Poètes donna ensuite un récital de poèmes de contemporains du Magnifique : Mallarmé, Verlaine, Max Jacob, Apollinaire, etc. C’est le Club des Poètes – dont on sait qu’il prend traditionnellement ses quartiers d’été sur la presqu’île de Crozon – qui devait clore cette première journée, avec un bel & émouvant spectacle poétique, hommage couplé à Jean-Pierre Rosnay, décédé en décembre dernier, et à Saint-Pol-Roux. Le lieu de cette manifestation ne pouvait être plus approprié puisque la scène naturelle et nocturne en était le Manoir ruiné de Cœcilian, formidablement illuminé pour l’occasion.


Samedi 31 juillet

Le lendemain, deux nouvelles conférences : Mikaël Lugan parla d’abord de l’amitié de Saint-Pol-Roux & d’André Antoine, citoyens de Camaret ; le premier, certes, méritait ce titre, qui y demeura trente-cinq ans ; mais le second y villégiaturait seulement et vendit ses villas en 1935. Pourtant, Saint-Pol-Roux avait ainsi baptisé le fondateur du Théâtre-Libre dès 1903 : « Antoine, citoyen de Camaret » ; et, malgré les réticences de l’ogre dramatique, le poète n’eut pas tort, sans doute, puisqu’Antoine y réside désormais, voisin perpétuel de son improbable ami, au petit cimetière marin de Camaret. Marcel Burel entretint ensuite le public, venu plus nombreux, relativement, que la veille, des années roscanvélistes (1898-1905) du Magnifique. Roscanvéliste lui-même, professeur de lettres classiques et historien incontournable de la Presqu’île, il sut admirablement montrer, à partir des textes composés dans cette période, comment Saint-Pol-Roux, charmé par ce village, se dépouilla de son costume parisien pour se faire ou devenir roscanvéliste. Là encore d’intéressants échanges. Le reste de l’après-midi ne fut pas moins dense en manifestations que la précédente : des mises en musique de poèmes du Magnifique, un spectacle composé de textes de Jean-Pierre Rosnay dont la vie dédiée aux poètes et à la poésie méritait qu’on lui rende hommage aussi pendant ces trois jours. La nuit, deux concerts animèrent la lande, emmi les menhirs de Lagatjar.

Dimanche 1er août

C’est au tour d’Alistair Whyte de prendre la parole. Les lecteurs de Saint-Pol-Roux le connaissent : il prépara, avec Jacques Goorma, l’édition, chez René Rougerie, de la plupart des volumes publiés à partir des années 1980. Olivier Rougerie, initialement prévu, n’ayant pu venir, Alistair occupa les deux heures de conférence, animant, dans un premier temps, un café-philo en plein air sur le thème : « A quoi sert la poésie ? ». On quittait là Saint-Pol-Roux – encore qu’à peine – pour y mieux revenir. Alistair connut très bien Divine, et c’est tout naturellement qu’il décida de consacrer sa deuxième intervention à la fille du poète, que ce dernier avait sacrée l’ange de ma solitude. Il parla de la femme qu’elle fut, de son dévouement pour son père, de son humour aussi ; puis il laissa la parole à Jacques Goorma qui, empêché de participer à ces trois jours, avait enregistré une lecture du beau poème, « Ma Divine a vingt ans », écrit par Saint-Pol-Roux en 1918. L’émotion, dans l’assistance, alors que, sur un écran, défilaient, accompagnant la voix magnifique du poète Jacques Goorma, des photos de Divine, était sensible. Ainsi s’achevait le cycle de conférences de la place Saint Thomas. Il revint au spectacle musical, « Saint-Pol-Roux, poète oublié ? », de Céline Caussimon & Cécile Girard de clore les festivités saint-pol-roussines. Il fut donné dans la chapelle Rocamadour, qui accueillit l’exposition inaugurée le 10 juillet ; la chapelle était comble. Mêlant textes du Magnifique, dits par les deux comédiennes-musiciennes et par Loïc Baylacq, qui incarnait le poète, intermèdes musicaux (accordéon, violoncelle et tuba qu’embouchait Jean-Yves Lacombe), reconstitutions d’épisodes biographiques importants (la lecture de la Dame à la Faulx à la Comédie Française, le banquet de 1925), le spectacle, bien documenté et bien construit (de sorte que le travail de documentation n’apparaisse pas sur scène), connut un beau succès.

Oui, Camaret avait décidément bien fait les choses. Ces trois jours furent un beau succès. Pour la ville et pour le poète. Et j’espère que l’an prochain, pour le cent-cinquantenaire de la naissance de Saint-Pol-Roux, inscrit aux célébrations nationales, d’autres villes – Marseille où il naquit, Paris où il vécut et combattit au temps du Symbolisme, Brest où il mourut – sauront rendre leur juste hommage au Magnifique. Il leur suffira, pour cela, avec leurs moyens, autrement plus conséquents, de suivre le dynamique exemple camarétois.