jeudi 27 août 2009

L'anthologie poétique d'Emile Boissier, par Jean-Pierre Fleury

Jean-Pierre Fleury a fait oeuvre utile en réunissant quelques-uns des plus beaux vers d'Emile Boissier dans cette anthologie. Car les recueils du Nantais étaient devenus introuvables depuis trop longtemps et les florilèges poétiques des cinquante dernières années, y compris ceux entièrement dédiés au symbolisme, les avaient superbement ignorés.

Ce livre est le fruit d'un long travail de lectures et de recherches ; livre d'un amateur passionné qui y consacra du temps, beaucoup, et de l'énergie, autant. Alors, bien sûr, on pourra trouver la préface un peu confuse, trop riche d'informations nous éloignant du sujet principal, trop généreuse en citations, Jean-Pierre Fleury ayant préféré livrer l'ensemble de ses recherches et trouvailles plutôt que d'y opérer une castratrice sélection. Et finalement, si elle ne répond pas aux canons éditoriaux hérités de l'université et perd un peu de sa clarté informative, cette préface, où le moindre nom rencontré est glosé assez longuement, présente le grand intérêt de rendre justement le milieu dans lequel évolua Emile Boissier, ses influences, ses amitiés, ses relations littéraires, etc. C'est de l'impressionnisme préfaciel : l'homme apparaît grâce aux touches de couleur qui le cernent, à la lumière jetée sur son environnement plus qu'à la sûreté du trait.

La postface est plus précise, étudiant quelques-unes des relations et amitiés littéraires de Boissier : Han Ryner et Saint-Pol-Roux, surtout, à partir des échanges que nous avons eu, mon ami maître-entoileur du blog Han Ryner, Jean-Pierre Fleury et moi, échanges qui donnèrent lieu à des billets sur nos blogs respectifs. Mais l'originalité de la postface est la révélation qui est faite de la collaboration anonyme de Boissier à la petite entreprise Willy. Sans doute l'auteur est-il injuste envers l'habile ouvreuse qu'il définit : "un paon à grande queue et un fumiste, doublé d'un escroc littéraire" - injuste, je l'ai été aussi dans un ancien billet ; car notre ami Zeb, de Livrenblog, a su montrer, à plusieurs reprises, le talent littéraire de Willy, et cette incontournable figure de la petite république des lettres de la fin de siècle et de la Belle Epoque mérite bien qu'on lui restitue un peu de sa complexité. Reste que Jean-Pierre Fleury a raison de rendre à Boissier ce qui est à Boissier : le livret de Bastien et Bastienne, adapté de Mozart, et signé du seul Willy.

On l'aura compris, il y a dans l'appareil critique de l'anthologie poétique d'Emile Boissier, quantité d'informations intéressantes. Et préface et postface font un cadre utile au recueil proprement dit. Jean-Pierre Fleury a choisi de classer les poèmes thématiquement plutôt que chronologiquement ; et ce sont autant de stations dans la procession lyrique du poète auxquelles il nous convie. Et ce sont surtout de beaux vers. J'en ai déjà cité quelques-uns à d'autres occasions. Je me contenterai donc des premiers, qui synthétisent magnifiquement le sacerdoce du beau poète Emile Boissier, qu'aimait Saint-Pol-Roux :
"Je suis le doux semeur des nobles vérités,
L'apôtre de la vie, épris de la Nature,
Le frère des vaincus et des déshérités,
Celui qui croit encore à l'aurore future.
Je pardonne le crime et la haine aux méchants
Qui courbent leur fierté sous un labeur servile.
Ivre de l'Infini, je déserte la ville
Pour aller vers la mer et les soleils couchants.
Suivras-tu mon voyage, ô ma soeur solitaire ?..."
Nota : Le volume contient aussi un beau cahier central et un CD-Rom d'illustrations. Pour toute information complémentaire, contactez l'auteur ici.

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