jeudi 25 décembre 2008

Jean Ajalbert - entre Goncourt & Mallarmé - souffle le chaud et le froid...

L'implication d'Ajalbert dans la fondation de l'Académie Mallarmé avait de quoi surprendre les échotiers, qui savaient que l'auteur avait prospéré surtout dans le roman de veine naturaliste et avaient oublié ses débuts de poète dans les petites revues symbolistes. On pouvait donc trouver naturel son appartenance à l'Académie Goncourt - n'avait-il pas adapté pour la scène la Fille Elisa - et proportionnellement suspect son engagement auprès d'Edouard Dujardin. Ajalbert avait-il quelque compte à régler avec les autres membres de la Goncourt ? Cet entrefilet du Figaro, du 16 octobre 1937, permettra-t-il de tirer de justes conclusions ? Le lecteur en jugera...

Le meneur de jeu
On est redevable à M. Jean Ajalbert de mouvements divers fort passionnés.

L'écrivain de Raffin-Su-Su portait-il envie à l'honneur que s'est réservé M. Roland Dorgelès d'introduire à la table de la place Gaillon un écrivain aussi excellent et aussi "Goncourt" que M. Carco ? Etait-ce jalousie amoureuse ? En est-il arrivé à une sombre détestation de ses collègues ? Le fait est que M. Ajalbert s'est institué le conseiller technique de M. Edouard Dujardin pour la mise en marche de l'Académie Mallarmé et, depuis ce temps, s'il déjeune chez "Mallarmé", il se refuse à s'asseoir chez les Goncourt. Est-ce goût de bouillant mousquetaire des Lettres à moustaches et à vaste chapeau ? M. Jean Ajalbert s'est mis sur le pied de guerre - inquiétant condottiere de presse, alertant les journalistes, semant le trouble et l'incertitude, Achille affamé de carnage...

Il faisait procès au président Rosny aîné d'avoir décidé l'élection pour le mercredi 13. Il orchestrait la presse en vue de faire reporter la cérémonie à huitaine, il découvrait des candidats, en changeait trois fois le jour, brouillait des traces et des chances. Une activité magnifique.

- Ajalbert a dit qu'il votait pour Benjamin, déclarait un journaliste.

- ... Pardon ! pour Marius Leblond, et je le sais de source directe, répliquait un confident.

- Non ! avec Léo Larguier pour Suarès, c'est sûr !

- Vous n'y êtes pas : pour Pierre Mille ! Il me l'a dit à moi-même...

Et il semblait bien vrai que l'auteur de Raffin-Su-Su avait dit tout cela... Dans le Petit Journal, le jour de l'élection, il annonçait même un bulletin pour M. Carco !

Ce fut un éclat de rire dans le salon de la place Gaillon lorsqu'on apprit comment se terminait ce tohu-bohu vertigineux : par l'envoi d'un bulletin blanc !

M. Jean Ajalbert a porté à une haute saveur les vertus électorales.
(A suivre)

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