dimanche 9 décembre 2007

Une acquisition récente : le n°87 (octobre 1885) de LA JEUNE FRANCE

J'ai reçu, cette semaine, ce beau numéro de La Jeune France, déniché par l'incontournable Bruno Leclercq. Il s'agit de la 87e livraison, parue en octobre 1885. La revue, créée en 1878 par Albert Allenet, en était alors à sa huitième année; à partir de 1883, après la mort de son créateur, elle fut dirigée par Paul Demeny, dont le nom n'est pas inconnu aux rimbaldiens. La Jeune France fut accueillante aux écrivains et poètes de tout bord, avec une préférence, peut-être, pour les parnassiens, et pour les réputations déjà acquises, ce qui la rendit tout à fait respectable. Mais cette petite-soeur littéraire de la Revue des Deux Mondes, parce que justement strictement littéraire, ne demeura pas insensible aux évolutions du temps, et sut faire place aux jeunes. Ainsi, Emile Michelet devint secrétaire de rédaction dès le n°73 (25 juin 1884), avant d'être rejoint, à partir du n°82 (mars-avril-mai 1885), par Rodolphe Darzens. Ces deux noms ne nous sont pas étrangers, que l'on retrouvera, quelques mois plus tard, au sommaire des livraisons de La Pléiade. C'est Darzens qui fit entrer Mikhaël, son ami et condisciple de Condorcet, à La Jeune France, lui réservant une chronique régulière, la "gazette rimée" signée Pasquin.

Ce 87e numéro est historiquement important pour qui s'intéresse au Symbolisme. Car, aux côtés des contributions de Robert Caze, François Coppée, Tancrède Martel, Victor d'Auriac, Edmond Galabert, Paul Demeny et du prometteur Charles Morice, on trouve des articles, des proses et des poèmes d'Emile Michelet ("Culs-de-Lampe"), Ephraïm Mikhaël ("Les Décadents" & "Gazette rimée : L'apothéose de Francisque Sarcey"), de Rodolphe Darzens ("Critique littéraire"), Jean Ajalbert ("Marine") et Paul Roux ("Arrivée") qui préfigurent, trois mois avant que vagisse l'idée en leur esprit, ce que sera La Pléiade, revue à couverture violette et au format à peu près similaire. Ils en conserveront d'ailleurs l'imprimeur : Alcan Lévy. Ces jeunes poètes s'étaient reconnus et avaient trouvé, en même temps que de nouveaux maîtres, leurs voix respectives dans un dépassement des contraintes parnassiennes. Le poème "Arrivée" de Paul Roux est significatif, qui, plus métaphoriquement dense que ses productions précédentes, retraçant des retrouvailles familiales sous la menace du temps qui s'égrène, annonce en réalité un nouveau départ poétique.

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